Interview : Pascal Terrasse, député de l’Ardèche, nous parle d'économie collaborative
Le 8 février dernier, Monsieur le Député Pascal Terrasse a remis au Premier Ministre son rapport sur les enjeux de l’économie collaborative. Dans ce rapport, l'élu dévoile une série de propositions pour encadrer légalement cette nouvelle forme d’économie basée sur le partage, sans pour autant freiner son développement. Nous avons donc souhaité en savoir plus sur sa vision de l’économie collaborative, en particulier dans le secteur de la mobilité, ainsi que ses préconisations pour l’avenir de ce nouveau modèle.
Karos : Le rapport que vous avez remis au Premier ministre dresse un bilan globalement positif de l'économie collaborative. En quoi ces nouvelles pratiques sont-elles vecteur de progrès social ?
P. Terrasse : Le rapport fait deux constats. Tout d’abord, l’économie collaborative n’est pas synonyme d’« uberisation » de la société. C’est avant tout l'économie des communs, du partage et de l'échange. C’est aussi une forme nouvelle d’intelligence collective dans la gestion des ressources et l’organisation des échanges. Deuxièmement, l’économie collaborative supprime l’intermédiation et donc des coûts pour les prestataires et les usagers. Elle soutient donc le pouvoir d’achat des consommateurs et améliore les opportunités d’emploi de personnes qui peuvent en être éloignées.Le véritable progrès social de l’économie collaborative réside dans le fait qu’elle repose sur un modèle de développement beaucoup plus horizontal. Les nouvelles générations en ont assez du système hiérarchique. Elles se détournent petit à petit de la propriété et privilégient désormais l’usage. De nouvelles aspirations sociétales apparaissent : limiter le gaspillage, donner une seconde vie aux objets, favoriser les circuits-courts…L’appétit de consommation se double à présent d’une conscience assez claire que la planète ne pourra pas le supporter durablement. Le consumérisme tel qu’on l’a connu va disparaître au profit d’une société plus solidaire.
Karos : Votre rapport évoque à plusieurs reprises la notion de « travail ». Pourtant, il y a bien des activités de l’économie collaborative, comme partager un trajet en covoiturage ou louer sa voiture un week-end, qui ne relèvent pas d’une prestation travaillée, soumise au droit social ?
P. Terrasse : Les plateformes qui proposent effectivement des initiatives collaboratives abritent essentiellement des particuliers qui louent, prêtent ou vendent leurs biens (voiture, appartement, meubles etc.) de manière occasionnelle. Ils interviennent donc en marge de leur activité principale, de laquelle ils tirent l’essentiel de leurs revenus (salarié, étudiant, retraité…). Dans ce cas, on ne peut pas parler de « travail ».Le rapport distingue bien ce qui relève d’une part, de l’activité d’un particulier qui, occasionnellement, va faire de l’autopartage, louer sa résidence principale quelques semaines par an, ou vendre des biens de seconde main. Et d’autre part, l’activité de professionnels.La médiatisation du cas « Uber » a en fait polarisé le débat autour des « travailleurs » de l’économie collaborative, alors que la question soulevée (nature du lien entre la plateforme et les chauffeurs) est plus spécifique à la profession de chauffeur de taxi que véritablement représentative du secteur de l’économie collaborative. En définitive, seuls 5% des Français tirent plus de 50% de leurs revenus de l’économie collaborative.
Karos : Suite à votre rapport, quelles sont les prochaines étapes attendues en vue de sécuriser le cadre législatif et juridique de l'économie collaborative ?
P.Terrasse : Bien que nous ne disposions pas, comme en Italie ou en Angleterre, d’un dispositif de transaction, un travail est actuellement en cours pour que les grands opérateurs de l’économie collaborative et du numérique s’acquittent de leurs impôts en France. Dans ce sens, Google vient par exemple d’être redressé à hauteur de 1,6 milliard d’euros. Les organisations internationales et l’Union européenne doivent maintenant faire prévaloir l’acquittement des impôts dans les États où s’exerce l’activité. La question de l’amélioration des conditions de protection sociale et d’emploi des personnes qui ont recours aux plateformes de l’économie collaborative est également prioritaire. Le Compte personnel d’activité est en cela une très bonne réponse. Il a déjà introduit une révolution véritable en déconnectant les droits des statuts pour les rattacher à un individu. En matière de formation, de pénibilité, etc., l’individu emportera ses droits, quel que soit son statut futur. C’est une avancée majeure.Enfin, pour plus de lisibilité, il faudra qu’à terme l’administration fiscale clarifie sa position sur la distinction entre revenu et partage de frais et que l’administration sociale en fasse de même sur la notion d’activité professionnelle.